Editions PLON
Collection Feux croisés
Traduit de l’anglais par Stéphane Roques
Paru en Août 2010
296 pages
22 euros
Genre : SF, Contre-Utopie, Anticipation
RENTREE LITTERAIRE 2010
Quatrième de couverture : A la frontière d’un monde perdu et glacé, Makepeace-shérif d’une ville de Sibérie vidée de ses habitants-patrouille dans les rues désertes, sauvant les livres et les armes des décombres. Cette terre froide et inhospitalière porte les stigmates de la catastrophe qui a détruit le monde alentour. Mais c’est là aussi que Makepeace découvre des preuves de survie lorsque le ciel au-dessus de sa tête est pour la première fois traversé par un avion. Alors Makepeace prend la route, à cheval, les armes à la ceinture et l’espoir chevillé au corps. Ses pas laissent derrière eux l’empreinte de nos angoisses sur la survivance de notre civilisation mais sèment l’espoir, malgré tout, de la rédemption. La quête hantée et bouleversante d’un personnage qui explore, à travers un monde dévasté, le genre humain et la possibilité de sa fin. Au bout de ses pas, de son souffle, et de sa force, la fable renaîtra ou expirera avec Makepeace.
A propos de l’auteur : Marcel Theroux vit à Londres où il est romancier et réalisateur de documentaires. Au nord du monde est son premier roman traduit en France.
Dans un avenir proche et incertain, Makepeace sillonne les rues désertes d’une ville de Sibérie. En ruines, sales et abandonnées, les rues sont témoins d’une catastrophe qui petit à petit à éradiquer l’espèce humaine. Makepeace, « faiseur de paix » est shérif et sauve ce qui peut encore l’être : les livres et les armes, rescapés d’une civilisation perdue. C’est à Evangeline que Makepeace patrouille lorsqu’il découvre un homme en train de piller des armes. La confrontation est immédiate et Makepeace, dans ce climat d’insécurité constant, n’hésite pas à se défendre et à blesser l’ennemi. Mais le shérif est une personne capable de bonté et c’est chez lui qu’il soignera Ping, d’origine chinoise. L’intimité se faisant, Makepeace découvre avec stupeur la féminité de Ping et réciproquement les deux femmes se rapprochent. Car Makepeace est aussi une femme déguisée en homme pour survivre. Makepeace protège Ping qui, enceinte, n’avait pas d’autre choix que de fuir, se cacher afin de mener à terme sa grossesse. Hélas, Ping meurt quelques temps plus tard et Makepeace se retrouve seule, en proie aux angoisses d’une « époque ravagée » par la guerre, la famine et la violence. Comment l’homme en est-il arrivé à cette déchéance qui résonne comme une fin du monde ? C’est alors que l’espoir renaît lorsqu’allongée dans un lac, à l’écoute d’une nature sauvage du Grand Nord, Makepeace aperçoit un avion. Persuadée qu’il provient d’une base qui a su garder un semblant d’humanité et d’hospitalité, Makepeace prend la route, à cheval et s’en va en quête d’un peu de conviction dans un monde qui a perdu ses repères et ses valeurs…
Western d’un genre nouveau, moderne et visionnaire, Au nord du monde place son intrigue au cœur d’une société post-apocalyptique. Cette société, cela pourrait être aisément la nôtre, entre décadence des valeurs humaines, catastrophes climatiques et idéologies extrêmistes. Guerre, armes massives, famine ont provoqué une fin du monde, la fin du genre humain tel qu’on le connaît actuellement : les femmes doivent vendre leur corps en échange d’un peu de nourriture, les hommes pillent et s’entretuent. Ce contexte n’est pas improbable et Au nord du monde prend des accents étonnamment réalistes et saisissants. Le « chacun pour soi » prime et des milices se forment sur l’unique parole d’un homme. Sur son chemin, Makepeace rencontrera des communautés qui ont crée leurs propres règles, fondées sur la Bible. La Nouvelle-Judée est au cœur de la Sibérie, régie par un groupe d’hommes qui font la loi et réduisent les plus faibles à l’esclavagisme et au travail forcé. Les dérives religieuses ne sont pas épargnées dans un roman qui ressemble fortement à une critique implicite des dérives de notre société, de ce qu’elle pourrait être. Au nord du monde décrit l’histoire d’hommes quittant les Etats-Unis en quête d’un nouveau Monde, la Russie autrement dit le Grand Nord. Cette colonisation de la Russie est synonyme d’utopie aux aspects prophétiques : la Nouvelle Judée contre le capitalisme américain. Jusqu’au jour où peuplée en abondance, cette terre fait l’objet de conflits, de tensions. Doit-on accueillir et partager ses biens avec les nouveaux arrivants ou les laisser à l’abandon ? Vaut-il mieux se défendre et les tuer au mépris de la religion ou se laisser voler ? Les hommes se divisent et s’affrontent, précipitant leur chute. Au nord du monde pose des questions d’ordre existentielles, philosophiques et idéologiques car nul ne peut connaître sa réaction face au chaos. Avidité et instincts délictueux s’imposent dans un climat hostile à la survie de la nature humaine. L’écriture de Marcel Theroux est d’une grande force morale, d’une qualité indéniable. Roman d’anticipation inventif, Au nord du monde est une longue route difficile à la recherche d’un peu d’optimisme que l’on trouve paradoxalement dans la nostalgie d’une héroïne courageuse, attachante et magistrale…Un roman intelligent dont la puissance d’évocation force le respect.
Vous pouvez retrouver ma chronique sur en association cette année avec CULTURA