Gallimard Jeunesse
Traduit de l'anglais par Emmanuelle Casse-Castric
Paru en Avril 2014
336 pages
16,90 euros
Roman ados dès 13/14 ans
Thèmes : Pouvoirs, Amour, Identité, Fantasy
Quatrième de couverture : Twylla est promise au prince héritier du royaume de Lormere. Mais la jeune élue possède un don maléfique. Elle a le pouvoir de tuer par son simple toucher : elle est l'arme parfaite ! La cruelle reine qui l'a adoptée la contraint à exécuter les traîtres. Nul ne peut approcher Twylla sans risquer sa vie. Jusqu'au jour où Lief, son nouveau garde, charmant et rebelle, fait vaciller la jeune fille dans sa foi et sa soumission... Le premier tome d'une trilogie dramatique et audacieuse. Un univers de fantasy saisissant. Un triangle amoureux magistralement mis en scène par Melinda Salisbury, nouveau talent à la plume virtuose.
En refermant ce roman (à la couverture juste somptueuse, superbe, incroyable!) je peux vous dire que Gallimard Jeunesse sait vraiment bien choisir ses nouvelles trilogies. Twylla est une arme parfaite. Arrachée à sa famille par la Reine du royaume de Lormere, elle a désormais 17 ans et est devenue l'élue. La Daunen incarnée est la fille réincarnée des dieux, descendue sur Terre pour rendre la justice et rappeler au peuple que la famille royale est choisie par "droit divin", fille du dieu de la vie et de la déesse de la mort. Elle vit au château de Lorture, arpente les jardins, prie au temple, attendant patiemment le jour où elle se mariera avec le Prince Merek. Mais pour Twylla, être Daunen incarnée est un fardeau, une malédiction qu'elle porte comme une croix : un seul contact de peau à peau et les gens qu'elle touche, meurent. Utilisée comme bourreau de la Reine pour exécuter les traîtres, Twylla a de plus en plus de mal de se voir comme une meurtrière. Les gens ont peur d'elle. Jusqu'au jour où un nouveau garde nommé Lief prend son poste. Il tente par sa bienveillance et sa gentillesse de se rapprocher de la jeune fille, qui tiraillée entre ses sentiments naissants et son devoir d'élue, finit par se confier et lâcher prise...
Avant de s'engager dans cette trilogie, il faut savoir qu'elle est copieuse, passionnante, fascinante et captivante. C'est à la fois sombre et tragique, injuste et cruel tout en respectant les codes appréciés des romans d'apprentissage young adult. Il y aura de la romance, de la trahison, du suspense et ce qu'il faut d'action. Mais surtout l'originalité de ce premier roman c'est la manière dont l'auteur pose les bases de son univers : fouillé, psychologique, mélangeant des éléments de fantasy à des décors médiévaux et à une atmosphère proche du fantastique. L'héroïne, nourrie chaque mois d'un poison mortel est immunisée puisque d'origine divine. Cela nous pose énormément de questions sur ses pouvoirs magiques. Pourtant on pressent les révélations, les rebondissements et c'est juste bon. La lecture se fait prenante et immersive car malgré quelques descriptions longues, on accroche. Pendant une bonne partie du roman, Twylla est confinée dans sa chambre. C'est un peu la cage dorée telle qu'on a pu le lire déjà dans la trilogie Le Dernier Jardin de Lauren DeStefano. On retrouve ce huit-clos raffiné et intimiste.
L'écriture de l'auteur fonctionne, son univers aussi, ses enjeux encore plus : une imbrication ingénieuse entre politique et spiritualité. Twylla est tellement prise par son rôle, tellement naïve qu'elle ne sait plus démêler la réalité de la manipulation. La frontière est floue, subtilement orchestrée par l'esprit cruel et audacieux de la Reine. Jeux de pouvoirs, poison, manipulation, sanctions sanglantes, complots, univers fantastico-médiéval...tout ceci m'a fait penser aux intrigues royales de Game of Thrones. De fait, The Sin Eater's Daughter en a la capacité et la consistance. D'ailleurs une des scènes du roman (dans les premiers chapitres) est très proche d'une scène de la saison 3 de la série TV. Puis les relations entre les personnages sont intéressantes, jamais manichéennes et mon affection va au Prince. Lief, derrière ses remarques rebelles n'est peut-être pas aussi gentil qu'on le pense et le prince Merek, énigmatique, charismatique même s'il est du côté de la famille royale est pris entre deux feux. Même si le triangle amoureux est mis en avant, il faut souligner que Melinda Salisbury lui apporte un côté très romantique, très "amour courtois" à la manière d'un Tristan et Yseult donc ce n'est jamais lourd.
Dernier point et pas des moindres : il faut saluer l'originalité de cet univers où l'auteur nous livre croyances, superstitions, légendes, histoires, traditions, contes, chants et rituels. Mais d'où sort-elle tous ces éléments ? Ca m'a bluffé. L'ambiance est parfaitement réussie, empreinte d'élégance dans un monde à la fois dense et complexe. J'ai également adoré l'épilogue qui par son étonnante simplicité, apporte un grand suspense et donne envie de connaître la suite. Un excellent premier tome...me voilà partie dans une nouvelle saga.