Editions Belfond
Collection Le cercle
Traduit de l'américain par Julia Taylor
Juin 2017
399 pages - 21 euros
Roman contemporain / Romance historique
Résumé de l'éditeur : Christina, la troisième sœur de la famille Schuyler, la plus élégante, la plus douce, la plus parfaite. Mariée à Frank Hardcastle, homme politique très influent, Tiny mène une vie de gala et de cocktails dans les jardins cossus de Cape Cod, où les Hardcastle ont établi leur bastion. Mais alors que Frank est donné favori pour les élections présidentielles, deux événements viennent troubler la vie a priori idyllique de sa belle épouse : c’est d’abord les courriers menaçants d’un maître chanteur ; puis, les retrouvailles inattendues et déstabilisantes avec le vétéran Caspian Harrison, de retour de la guerre du Vietnam. Avec ce premier amour qui réapparaît, c’est tout le passé de Tiny qui ressurgit. Un passé bien moins lisse qu’il n’y paraît, fait de passion, de mensonges, de drames. Et dont l’écho, s’il venait à gronder, pourrait nuire à la réputation irréprochable de toute la famille Hardcastle…Les sentiments ont-ils une place dans la course au pouvoir suprême ?
Je ne connaissais pas Beatriz Williams mais lorsque j'ai vu la couverture et lu le résumé de ce roman, j'ai été comme conquise d'avance par l'ambiance des années 60. Ayant pour toile de fond la très bonne société, guindée de l'Amérique des sixties, Les lumières de Cape Cod dresse le portrait attachant de Christina Schuyler, l'une des trois filles Schuyler, mariée à Frank Hardcastle, un homme politique très influent, prétendant aux élections présidentielles. Tiny est une femme prise au piège. On apprend qu'en 1964, à la veille de son mariage, elle souhaitait fuir une vie qu'on a choisi pour elle. En 1966, elle est désormais devenue une parfaite épouse, stable, docile, intelligente, parfaite pour asseoir la réputation de son mari. Issue d'une famille aristocrate, elle a reçu une éducation dans les plus grandes écoles de New York, et aux côtés de Frank, elle concourt à aider son mari à gagner la course à la Maison Blanche.
Mais qui est réellement Tiny ? Progressivement nous allons rentrer dans son univers, pris au piège entre une idylle impossible avec le vétéran Caspian Harrison, cousin de Frank, parti au Vietnam et qui revient pour aider son cousin à réussir sa campagne et un dangereux engrenage. Elle reçoit des lettres anonymes, accompagnées de photos compromettantes, objet d'un odieux chantage... Très vite on se demande quels sont les liens entre Caspian et Tiny et le lecteur va comprendre que deux ans auparavant ils sont tombés fous amoureux. L'intrigue se met doucement en place et dresse brillamment, subtilement, mélancoliquement le portrait de cette femme aujourd'hui blessée, désabusée, qui a perdu le contrôle de sa vie. Tiny vit dans un monde où les sentiments n'ont plus lieu d'être, effacés au profit des apparences et de la bonne image... Mais combien de temps aura-t-elle envie de garder cette image d'épouse modèle ?
Les lumières de Cape Cod est un coup de coeur car dès les premières pages j'ai adoré l'ambiance particulière d'une famille américaine qui ne jure que par le pouvoir, le mensonge et l'ascension... On devine aisément certains éléments romantiques, notamment la relation spéciale qui a uni Tiny et Caspian, ce qui les a réuni, ce qui les a séparé. C'est aussi un roman de choix et un roman de moeurs où l'on plonge dans l'univers de la politique et des campagnes républicaines dans l'Amérique des années 60. Pourquoi Tiny a-t-elle finalement épousé Frank ? On pense inévitablement à la famille Kennedy mais on se doute bien que derrière la façade et les sourires de circonstances, les acteurs ne vivent pas un rêve. En cela j'ai beaucoup apprécié Tiny et sa force de caractère, sa volonté de bien faire, ses sacrifices, le fait qu'elle mette de côté ses envies, ses hobbies. Elle étouffe dans une maison où on lui interdit de ressentir des émotions normales. Si les premières parties sont romantiques, instaurant une ambiance plutôt lente et intime, les évènements s'enchaînent, certains imprévisibles et qui vont faire bondir le lecteur pris dans la tourmente et dans un suspense bien amené. Les secrets, les mensonges, les scandales étouffés font surface et j'ai été révolté par la violence psychologique de certains propos, à ce qu'on impose à Tiny.
Mais mon personnage préféré reste Caspian Harrison. Dès son apparition je suis tombée amoureuse de lui. Il est séduisant (on se l'imagine aisément), il est intéressant et prévenant, a reçu son lot de malheurs... et surtout il est charismatique. C'est un homme vrai, intense, dont on sent que le regard et les propos sont à la fois sincères et ouvrent à une discussion intime et approfondie.
Ainsi si la trame romanesque est peut-être un peu prévisible (surtout l'évolution des relations entre Caspian et Tiny), je dois avouer que l'originalité du roman tient au charme de son ambiance : les Etats-Unis des années 60, les bals, les soirées mondaines, les réunions et cocktails... tout un monde de journalistes et de bonne société se côtoie dans un tourbillon où l'on peut facilement se perdre. J'ai aimé le côté profondément féministe où l'auteure se défend des carcans puritains de l'époque où la femme d'un homme politique doit rester à sa place et accepter les frasques de son mari. A ce titre, Tiny apporte des répliques pertinentes et incarne avec brio ce que peuvent être les choix d'une femme éclairée et avisée. L'écriture de Beatriz Williams nous emporte avec élégance et nostalgie dans cet univers palpitant et passionnant. Il me tarde de lire le premier tome des Schuyler sisters La vie secrète de Violet Grant...