Editions Gallimard
Collection Folio 2 Euros
Traduit de l'anglais par Jacques Papy et Simone Lamblin
121 pages
Genre Fantastique, Terreur
HP Lovecraft est un maître de la terreur si ce n'est de l'angoisse. Ses nouvelles sont certes courtes mais elles n'étouffent pas la montée en puissance de sentiments éprouvants et obscurs. Ce que j'adore dans les écrits de Lovecraft est cette apparente opposition entre la raison et le surnaturel, autrement dit entre l'entendement, et ce qui dépasse le raisonnable pour arriver à des conclusions époustouflantes, peu rassurantes et complètement macabres. Celui qui chuchotait dans les ténèbres ne déroge donc pas à cette règle: un professeur de littérature, dont la raison l'emporte sur les superstitions et les croyances douteuses selon lesquelles des témoignages locaux auraient fait part d'apparitions d'étranges créatures, pas humaines et qui auraient des pouvoirs importants.
Face à Albert Wilmarth, l'éclairé, il y a Henry Akeley, le possédé; c'est-à-dire, un homme cultivé qui croit fermement à l'existence de ces créatures et cherche à connaître le mystère de leur venue sur Terre, au point d'en devenir obsédé. Il récolte et collectionne toutes les preuves possibles pour convaincre et appuyer ses hypothèses de savant fou. Albert Wilmarth se pose énormément de questions au sujet d'Henry mais lorsque les faits rejoignent les preuves, il n'y a plus de doute. Les courriers se font de plus en plus pressants, angoissants. On sent que les choses prennent une tournure épouvantable: Henry a peur, il entend les créatures qui se rapprochent, il voit les empreintes au pied de sa porte, ses chiens sont retrouvés morts, il a tué une de ces créatures mais la trace de son corps a disparu.
Alors que le début de la nouvelle nous plongeait au coeur de récits extravagants, ambigus dont les desseins étaient brumeux, la fin de la nouvelle se fait haletante, dénuée de tout discours folklorique mais saisie par une réalité terrifiante. Celui qui chuchotait dans les ténèbres est une nouvelle frémissante portée par une écriture à forte puissance évocatrice, où le fantastique est tellement bien inspiré qu'il puise ses sources au coeur des mythes. Il en ressort un dénouement empreint d'incertitude et de flou spirituel où les frontières se noient entre réel et imagination. Celui qui chuchotait dans les ténèbres ne déroge pas à la règle lovecraftienne qui impressionne et jette un regard surprenant sur notre univers qui semble un peu plus trouble. Du pur Lovecraft...
4/5 champignons