Michel Lafon
Traduit de l'américain par Philippe Mothe
Paru en Mai 2014
320 pages
16,95 euros
Roman ados dès 13 ans
Thèmes : Deuil, Correspondance, Adolescence
Quatrième de couverture : Une simple rédaction demandée par un prof : écrire à un disparu. Laurel a choisi Kurt Cobain, parce que sa grande sour May l'adorait. Et qu'il est mort jeune, comme May. Si elle ne rend jamais son devoir, très vite, le carnet de Laurel se remplit de lettres à Amy Winehouse, Heath Ledger... À ces confidents inattendus, elle raconte sa première année de lycée, sa famille décomposée, ses nouveaux amis, son premier amour. Mais avant d'écrire à la seule disparue qui lui tient vraiment à cour, Laurel devra se confronter au secret qui la tourmente, et faire face à ce qui s'est vraiment passé la nuit où May est décédée.
J'ai immédiatement su que Love letters to the dead allait me plaire car c'est le genre de roman poignant, captivant et stupéfiant qui sait si bien nous parler du deuil, de la perte d'un être cher, de la mort tout en étant complètement inattendu et original. Love letters to the dead s'inscrit dans la lignée des romans bouleversants pour adolescents : souvenez-vous de Treize raisons de Jay Asher, Le ciel est partout de Jandy Nelson, Sujet Tragédie de Elizabeth Laban. Puis l'héroïne-narratrice Laurel ressemble aux personnages attachants et fragiles des romans de John Green (Qui es-tu Alaska?, La face cachée de Margo). Alors fort de cet héritage, je ne pouvais pas passer à côté de cette lecture dont la couverture, à elle seule tient plusieurs promesses.
Sujet de rédaction lancé à la volée par un professeur : écrire à un disparu. Cela n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd car Laurel a choisi d'écrire au chanteur Kurt Cobain, préféré de sa soeur décédée May. Elle aurait pu écrire une lettre s'adressant directement à sa soeur mais Laurel vivait une relation très particulière avec elle. Elle l'idolâtrait et donc suivait les mêmes goûts artistiques, musicaux et culturels qu'elle. Ainsi, de fil en aiguille, le roman composé uniquement de lettres à des défunts célèbres (acteurs, chanteurs, peintres, poètes, écrivains, personnages historiques) est un moyen pour Laurel de retrouver en chacun d'eux, une part de sa soeur, de ses goûts, loisirs, envies, peurs, espoirs. C'est une manière pour Laurel de reconstruire la personnalité de May, tout en évacuant, par l'écriture, sa souffrance et sa douleur.
Certaines phrases seront marquantes, sublimes et touchantes car Ava Dellaira écrit avec justesse, sensibilité et poésie à propos de la mort, du viol, de l'homosexualité, du divorce, de l'amour, de l'amitié, de la colère et surtout de ces sentiments d'abandon puis de culpabilité lorsqu'on est confronté à la perte d'un être cher. En pleine adolescence, temps des premiers émois, Laurel connaîtra des bouleversements tels que le premier amour. Cette période de transition intensifie et complexifie toutes ses émotions qui s'en trouvent exacerbées. A travers ses lettres, qui ont également un côté amusant et culturel (quel sera le prochain défunt choisi et pourquoi ? quel sera le lien avec sa soeur ?), l'auteur distille un réel suspense... dramatique car lié à un secret enfoui dans le coeur de Laurel, quelque chose qu'elle garde en elle, qui la détruit et dont elle a du mal à nous confier. Que s'est-il passé la nuit où May a disparu ? C'est tragiquement fascinant car cette question est un leitmotiv, le fil conducteur des lettres. La voix de Lauren nous emporte dans un tourbillon d'états d'âme et nous livre avec espoir, avec désespoir, avec ce sentiment ivre de vie, qu'il faut continuer à avancer même si tout semble déprimé. Laurel, malgré des comportements que j'ai parfois eu du mal à comprendre, nous offre une leçon de courage, de survie alors que tout peut paraître si vide.
Love letters to the dead est un roman sublime, profond et universel, livrant des réflexions philosophiques, des références culturelles, des questions existentielles...long, lent et nécessaire chemin vers une guérison. Ecrire comme une tentative d'évasion, comme une tentative de reconstruction. Etrangement, ces lettres destinées à des personnes décédées sont vibrantes d'énergie et contiennent tout ce qu'est la vie avec ces contradictions, ses failles et ses moments forts. Ava Dellaira renouvelle le genre épistolaire avec son écriture à fleur de peau et sa narration originale sous forme de journal intime. Un très beau roman à découvrir.
"Un ami, c'est celui qui t'accorde la totale liberté d'être toi-même -en
particulier de réagir comme bon te semble. Que tu réagisses comme ci ou
comme ça, ça lui est égal. C'est ça, le vrai amour : de permettre à
quelqu'un d'être ce qu'il est vraiment."