Illustré par Iris de Moüy
Gallimard Jeunesse
Traduit de l'italien par Diane Ménard
Paru en Septembre 2014
48 pages
13,90 euros
Album Jeunesse à partir de 5 ans
Thèmes : Confiance en soi, Grandir, Apprentissage
"Moi, j'ai une sorcière en moi, et c'est une vraie pipelette. Elle est
toujours là, sur le qui-vive, prête à m'avertir des dangers qui me
guettent. Dès que je veux me lancer dans quelque chose, elle me retient, me
décourage, et me gronde quand je ne l'écoute pas. Je voudrais qu'elle
prenne des vacances, juste pour voir comment c'est quand elle n'est pas
là. Mais rien à faire, ma sorcière est un vrai pot de colle."
Les premières phrases de cet album surprenant et psychologique sont prononcées par une petite fille bien embêtée. Elle veut grandir, se lancer et faire de nouvelles choses mais à chaque fois une sorcière, sa sorcière apparaît et l'empêche d'avancer. Qui est-elle? Pourquoi est-elle si féroce, si stricte, si méchante dans ses propos ? Loin d'encourager la jeune fille à apprendre, à découvrir le monde, à se faire des amis, elle la braque et la gronde! Tétanisée, la petite fille n'ose plus rien faire avec cette voix traumatisante. Pourtant la fille aimerait bien savoir comment ça se passerait si sa sorcière ne la collait pas autant, voir si elle est capable de se débrouiller sans elle...
Ma sorcière et moi n'a cessé de m'étonner au fur et à mesure que je lisais l'histoire de cette petite fille qui voudrait grandir mais empêchée dans ses gestes par une sorcière. Une petite fille qui a une sorcière en elle, voilà une idée peu commune et subtile pour aborder le deuil de l'enfance et l'envie de voler de ces propres ailes. D'ailleurs le propos métaphorique est important et traité avec une grande justesse : pour faire taire les mots ravageurs de la sorcière, il faut dormir avec la lumière allumée (référence à la peur du noir), elle retient l'enfant qui a envie de faire pipi, en l'abreuvant de paroles décourageantes (honte de faire pipi au lit), elle l'empêche de jouer et d'aller vers d'autres enfants (peur des autres et du rejet). Puis un jour, la fillette finit par se rebeller et voit que sans sa sorcière, les choses se passent bien. Elle est heureuse, confiante alors que sa sorcière boude, se recroqueville dans un coin et rapetisse, elle qui était si impressionnante. Le texte et la manière d'aborder la prise de confiance en soi chez l'enfant est ici riche de sens, d'interprétations et de finesse psychologique. J'ai vraiment apprécié cette maturité et cette délicatesse.
Iris de Moüy donne vie aux personnages grâce à son trait appuyé, marqué et franc, à ses couleurs vives et fortes qui contrastent : rouge, jaune, rose vif, noir sur des pages blanches. Le tout ressort avec vigueur comme cet élan de courage qu'il faut pour quitter le monde de l'enfance et prendre confiance en soi. Les dessins sont accrocheurs et porteurs de sens, comme sur la plage, lorsque la jeune fille veut aller jouer avec d'autres enfants mais se retrouve enchaînée à sa sorcière. La mine boudeuse, la jeune fille regarde méchamment sa sorcière la gronder. Elle est prisonnière. Et cette sorcière n'est autre que la représentation significative des démons intérieurs des enfants, de leurs peurs qui les dominent, de ces petites voix qui les retiennent. La sorcière, un obstacle, une entrave au devenir de l'enfant, à son envie de grandir ? vous verrez que Giovanna Calvino apporte une solution pleine d'humour et de tendresse car finalement cette sorcière, il suffit de l'apprivoiser et de la connaître pour l'amadouer...