Casterman Jeunesse
Traduit de l'anglais par Antoine Pinchot
Mars 2018
425 pages
16 euros
Roman ado dès 14 ans
Thèmes : Young Adult, Sentiments, Magie
Quatrième de couverture : Kay : En changeant les traits de mon visage, je croyais que je serais plus entourée, mieux aimée mais il n'en a rien été. Win : C'est surtout la nuit. Ou plus précisément quand le soir tombe, quand j'embrasse Ari que pourtant j'aime tant. Quelque chose me fait si mal que je suffoque. Ari : J'ai voulu t'oublier, Win, j'ai voulu oublier l'amour même. Et j'ai payé. En oubliant aussi ce que j'aimais le plus au monde : danser. Diana : Mes amis changent, je les trouve différents, distants. Ou ils se trop près, comme Kay, si gentille, si étouffante, si écoeurante. Et si Ari elle aussi me cachait des choses ? Jusqu'où iriez-vous pour être heureux ?
Si La course au bonheur n'est pas un coup de coeur, ce fut une excellente lecture qui m'a totalement pris au dépourvu car je ne m'attendais pas à une intrigue aussi profonde et intelligente sur le sens du destin, la quête du bonheur. Je pense que La course au bonheur pourra être lu et interprété à plusieurs niveaux voire même comme un conte philosophique tellement le sens des propos est pertinent et touche aussi à nos ressentis, à nos vécus.
Quand Win, le petit ami de Ari meurt, elle demande à une hékamiste, sorte de sorcière des temps modernes d'effacer sa mémoire de lui. Mais les sorts que prodiguent les hékamistes ont des effets secondaires. Ainsi en perdant tous les souvenirs heureux avec Win, Ari perd également son don pour la danse. Kay est également allée voir une hékamiste pour jeter un sort à ses meilleures amies et faire qu'elles soient inséparables. Sauf que Diane et Ari ne peuvent plus partir à plus de 80 km de Kay sans risquer des blessures corporelles graves. Quant à Markos, profondément endeuillé par la perte de Win son meilleur ami, n'arrive pas à dépasser sa souffrance. Chacun de ses personnages a eu recours à l'hékamie et l'ont caché aux autres, provoquant ainsi une série de conséquences, de dommages collatéraux et imprévisibles qui va bouleverser leur destin...
En donnant une logique à la
pratique de la magie clandestine, c'est tout un univers crédible et mature dans
lequel nous transporte l'auteure avec une dimension existentielle remarquable. La course au bonheur fait réfléchir et nous plonge dans une ambiance étrange, intimiste et envoûtante tout en évoquant des problèmes adolescents. J'ai été bluffé par la profondeur des thèmes abordés de manière originale puisqu'ici il s'agit de faire des choix tout en sachant que ceux-ci auront de fâcheuses et dangereuses conséquences pour notre entourage. Dès lors pourquoi tomber dans cette spirale sournoise ? La quête du bonheur s'accompagne ici d'un bon nombre de souffrances à la fois physiques et psychologiques. Pourquoi s'infliger ça et ne pas accepter ce qui fait partie de la vie ? Puis les liens entre les personnages sont étroitement tissés, les actes des uns ont une influence sur ceux des autres. Tout est lié, de manière étroite et incertaine, je dirais même maladroite car on ne peut pas commander et contrôler des sentiments.
C'est donc dans cette logique de besoins, d'émotions et de sentiments que progressivement l'auteure nous plonge dans un suspense palpable... laissant monter la tension et éclore le drame à la manière d'un "Nous les menteurs". L'écriture est pertinente et aborde des thèmes comme l'amour, la souffrance, le deuil, l'amitié, la famille, l'avenir, le bonheur et le sens des responsabilités mais le tout formulé de manière assez inédite, dans un contexte de "magical realism" qui m'a tenu en haleine.
Au final j'ai passé un bon moment pour un roman bluffant, qui mêle étroitement humain et magie, destin et bonheur et qu'à force de vouloir tant être heureux, on finit par tout perdre. Cette lecture étonnante m'a rappelé Nous les menteurs de E. Lockhart mais aussi l'originalité d'un Convoitise de Charlotte Munich avec cette magie quotidienne qui touche l'humain au plus profond de son corps et de son âme. Une chouette lecture!