Le livre de poche
Traduit de l'Allemand par Olivier Bournac/ Alzir Hella126 pages
Résumé: Au soir de sa vie, un vieux professeur se souvient de l'aventure qui, plus que les honneurs et la réussite de sa carrière, a marqué sa vie. A dix-neuf ans, il a été fasciné par la personnalité d'un de ses professeurs ; l'admiration et la recherche inconsciente d'un Père font alors naître en lui un sentiment mêlé d'idolâtrie, de soumission et d'un amour presque morbide. Freud a salué la finesse et la vérité avec laquelle l'auteur d'Amok et du Joueur d'échecs restituait le trouble d'une passion et le malaise qu'elle engendre chez celui qui en est l'objet. Paru en 1927, ce récit bref et profond connut un succès fulgurant, en raison de la nouveauté audacieuse du sujet. Il demeure assurément l'un des chefs-d'oeuvre du grand écrivain autrichien.
De Stefan Zweig, je n'avais lu que Le Joueur d'échecs en Terminale Littéraire, j'en garde un bon souvenir. Pour La Confusion des sentiments, la lecture me fut tout aussi agréable. D'une écriture fine et raffinée, portée par des mots symboliques, par des tournures subtiles et sublimées, ce court roman évoque un rapport humain passionnant. Une grande prouesse dans la manifestation de sentiments contradictoires, équivoques et difficiles à éprouver. J'ai trouvé cette confusion des sentiments très authentique, précoce pour une époque faite de retenues, mais en aucun cas je n'ai trouvé le texte sulfureux. Certes le thème est tabou, empreint de suspicion et de préjugés face à une relation que l'on juge malsaine voire perverse. Au contraire, avec une délicatesse et une intelligence confirmées, Stefan Zweig dépeint une relation particulière, où le respect et l'admiration se font écho dans un constant échange d'idées. Le maître et son étudiant, tous deux dépendants d'une certaine manière l'un de l'autre. Un professeur terne mais dont le discours est passionné, et un étudiant jeune et motivé qui a soif d'apprendre, soif de connaître. Une profonde amitié naît, mais c'est surtout l'idôlatrie du jeune étudiant qui nous surprend. Un jeu d'attirances, de mépris, de passion puis de colère qui se mêle joyeusement en un tourment certain. Plusieurs fois le lecteur se prend à avoir peur pour l'élève, peur de sa naïvité, de son trop grand enthousiasme, de cette envie qui le pousse sans cesse vers le professeur qui l'attire comme un être énigmatique. Il sent le danger d'un tel dévouement, il ressent le malaise quand le professeur s'éloigne et le rejette. Mais il continue à être là, fidèle. La Confusion des sentiments c'est aussi cet aspect là de la fidélité malgré le mal, le rejet, l'ironie, la moquerie. La fidélité, le respect envers quelque chose qui nous blesse. Stefan Zweig explore donc les profondeurs de l'âme quand celle-ci est prise dans une passion troublante. J'ai aimé cet étudiant plein de fougue, de doutes, d'interrogations et j'ai aussi aimé le professeur dont la fin nous révèle toute l'ampleur du drame, toute l'ampleur de son courage et de sa maîtrise. Un roman fort, vrai qui interpelle en chacun de nous cette confusion, car qui n'a jamais douter de l'Autre, qu'il soit homme ou femme. La Confusion des sentiments est un roman des amours universelles, où l'esthétique littéraire n'a d'égale que sa dimension spirituelle et affective. Assurément, un très beau roman.
Je ne dois pas être la seule à l'avoir lu parmi la blogosphère et pour une fois je vous envoie chez Bob pour voir les divers billets...
5/5 champignons