Illustré par Benjamin Lacombe
Flammarion
Septembre 2017
192 pages
25 euros
Album Jeunesse à partir de 7 ans
Thèmes : Juifs, Fantastique, Protection
Quatrième de couverture : « J’avais assez de souvenirs et de questions et l’envie grandissante de retourner voir ce fameux Golem, cette créature incroyable, invention du plus grand génie de Prague. »
Prenant place en 1552 en Pologne lors du règne de Rodolphe II, nous rencontrons Zelmira qui vit près du Ghetto juif avec sa famille. En cette période trouble où les Juifs sont persécutés par le pouvoir mis en place, le Maharal, une sorte de maître spirituel aux pouvoirs magiques, décide de façonner une créature qui serait capable de protéger les opprimés. A travers le regard d'une petite fille, la légende du Golem est racontée avec affection et douceur dans un monde qui se veut violent. Zelmira devient l'amie du Maharal et du Golem... elle est alors arrêtée par le conseiller du roi pour servir comme monnaie d'échange contre le Golem. Une fois le Golem captif, le peuple juif sans aucune protection pourra facilement être annihilé.
L'Ombre du Golem est magnifiquement et superbement mis en image. Mais si le talent de Benjamin Lacombe est incontestable (bien qu'il fasse toujours dans le même style donc les visages sont peu extraordinaires) c'est bien le texte d'Eliette Abécassis qui m'a subjugué et envoûté ainsi que les décors panoramiques. Nous sommes plongés dans une ambiance inquiétante, totalement fantastique mais très sombre avec ce climat de danger et de violence omniprésent où chaque Juif craint pour sa survie.
Le thème de la mémoire collective est abordé puisque nous sommes dans un conte inspiré d'un fait historique. Le mythe du Golem est un mythe surprenant : un monstre, cette machine robot qui va contrôler l'homme et se retourner contre lui fait partie des mythes fondateurs. C'est donc assez fascinant comme sujet et l'auteure le raconte à merveille, en rajoutant un soupçon de tendresse, de compréhension et d'amitié avec l'intervention de Zelmira. Le roman contient 13 illustrations en couleurs et 19 autres en noir et blanc, un vrai bonheur pour les yeux et la construction de l'histoire qui apporte une ambiance étrange, immersive et lyrique. Le duo a donc retranscrit avec intensité et poésie la ville de Prague au temps de Rodolphe II avec tout ce que cette ville implique en termes de découvertes : sciences, arts, astrologie, superstitions, cultes orthodoxes.
L'Ombre du Golem est un superbe conte certes onirique et lyrique mais qui a des accents universels puisqu'il parle de religion et de l'Homme avec une tonalité résolument moderne à laquelle j'ai été sensible. Les Juifs sont persécutés dans cette histoire mais c'est bien le thème du choc des religions, du dialogue interreligieux (ou plutôt son absence) qui est mis en avant dans ce conte : les tensions, les conflits, les attentats, le génocide. La grande force de L'Ombre du Golem réside ainsi dans l'originalité du sujet et dans la maîtrise d'une intrigue qui mêle religion, fantastique, suspense, le tout dans des décors prenants. J'ai été emporté et sous le charme : c'est une belle surprise car je ne m'attendais pas à autant aimer ce registre.