Un thriller immersif de style "nature writing" sur fond ethnologique!
Sonja Delzongle
Editions Denoël
Collection Sueurs froidesMars 2018
445 pages
20,50 euros
Thriller
Quatrième de couverture : Janvier 2017, au Groenland. Là, dans le sol gelé, un oeil énorme, globuleux, fixe le ciel. On peut y lire une peur intense. C'est ainsi que huit scientifiques partis en mission de reconnaissance découvrent avec stupeur un boeuf musqué pris dans la glace. Puis un autre, et encore un autre. Autour d'eux, aussi loin que portent leurs lampes frontales, des centaines de cadavres sont prisonniers du permafrost devenu un immense cimetière.
Pour comprendre l'origine de cette hécatombe, le chef de la mission fait appel à Luv Svendsen, spécialiste de ces phénomènes. Empêtrée dans une vie privée compliquée, et assez soulagée de pouvoir s'immerger dans le travail, Luv s'envole vers le Groenland. Ils sont maintenant neuf hommes et femmes, isolés dans la nuit polaire. Le lendemain a lieu la première disparition.
Ce qui m'a clairement attiré dans Boréal c'est bien sûr le cadre totalement extraordinaire et l'assurance de lire un bon thriller dans un style "nature writing". Ces romans là ont toujours une valeur ajoutée, celle de nous immerger au sein d'une nature souvent hostile et dangereuse mais aussi fascinante et magnifique. C'est le cas du Groenland et de ses paysages immaculés de blanc, balayés par des vents glacés, plongés dans une nuit incessante quasi éternelle (et pour certains elle le sera!).
J'aime beaucoup l'ambiance polaire du Groenland et c'est ce qui m'a poussé à prendre mon temps pour lire le roman. Il faut dire également que le gros point fort à mon sens et l'originalité de cette intrigue c'est qu'elle est doublée de
superstitions issues du peuple inuit qui fait la part belle au folklore local. C'est vraiment captivant et
passionnant et ça réveille mes souvenirs d'ethnologue car il sera question de villages esquimaux en proie à d'étranges phénomènes. Il est question
aussi de disparitions massives d'animaux... des centaines de cadavres de
boeufs musqués ou d'espèces différentes totalement pétrifiés dans la glace. Comment expliquer un
tel phénomène ?
Sur fond de catastrophe écologique et d'un climat tout en tension en lien avec les notions d'urgence et de survie, nous allons suivre une équipe de scientifique sur la base ARCTICA, isolée en pleine nuit polaire et qui tente de comprendre l'origine de ces phénomènes. Une aurore boréale toxique ? une eau contaminée ? le réchauffement climatique ? une trace de l'homme ? Ils seront neuf hommes et femmes lorsqu'a lieu le lendemain la première disparition. Puis il y a l'histoire de Luv Svendsen qui là aussi frappe le lecteur pour son drame personnel et ses liens affectifs avec ses filles.
L'écriture de Sonja Delzongle reste vive, alerte, je dirais même immersive. Le rythme est plutôt lent et introspectif, ne cherchez pas les rebondissements hallucinants, il y en a et ils sont impitoyables (cohérents aussi) mais l'ensemble reste calme. C'est envoûtant et même s'il n'y a pas beaucoup d'action, le suspense et l'intensité du mystère sont là et qui nous poussent à en lire davantage. Puis tout se précipite d'un coup... sur fond de lutte pour sa survie, jusqu'où êtes-vous prêts à aller ? Que pourriez-vous faire pour vous en sortir ? Quelles sont vos limites idéologiques, physiques et humaines ?
Ainsi Boréal est une histoire assez terrifiante et effrayante car terriblement réaliste et je ne m'attendais pas à un tel dénouement. Il faut dire qu'il y a un côté addictif et prenant avec toutes ces morts prématurées et les circonstances de la première disparition est vraiment troublante. L'écriture est efficace, extrêmement fluide et tout se joue dans l'ambiance à la fois "criminelle" et psychologique qui m'a rappelé des intrigues de "survival horror" ou de la série TV "Les revenants". Un roman qui a su me convaincre pour sa haute qualité littéraire et son originalité propre.