Tahereh Mafi
Michel Lafon
Traduit de l'anglais par Jean-Noël Chatain
Octobre 2016
396 pages
16,95 euros
Roman ados dès 13 ans
Thèmes : Fantasy, Quête, Couleurs
Quatrième de couverture : Avec sa peau pâle et ses cheveux de neige, Alice détonne à Ferenwood. Car Ferenwood est un monde éclatant de couleurs, révélatrices d'un don magique. La blanche Alice n'a donc apparemment aucun don, aucun intérêt : les habitants de ce lieu en ont fait une paria. Aussi lorsque son père, la seule personne qui lui témoigne de la bienveillance, disparaît soudainement, la jeune fille n'a-t-elle plus qu'un seul but : le retrouver. Pour cela, elle va devoir explorer la mythique et dangereuse contrée un peu plus loin que l'horizon… Elle part avec Oliver, un compagnon de route dont le talent magique consiste à pouvoir tromper son monde. Ce don leur sera-t-il utile Là-bas, un univers sans pitié peuplé de créatures effroyables où rien n'est ce que l'on croit, où les pièges pullulent ? Alice elle-même devra reprendre confiance et utiliser des pouvoirs cachés que nul n'avait décelé chez elle. Reverra-t-elle son père et pourra-t-elle enfin mettre des couleurs sur sa vie ?
J'ai eu la chance de recevoir la VF alors que j'avais la VO dans ma PAL. Je vous propose ainsi de comparer mes deux lectures et de vous expliquer pourquoi j'ai préféré, pour ce titre, la VO.
Tout d'abord commençons par la couverture et l'objet livre en lui-même. Autant le dire de suite, je préfère la couverture du hardback qui retranscrit à merveille toute la fantaisie de l'univers inventé par l'auteure : des couleurs, des détails, de la magie... éléments que l'on ne retrouve pas dans la couverture très numérisée de la version française, même si les tons rose, blanc, jaune sont superbes et que le côté fleuri respecte l'univers du livre. De plus la jeune femme au milieu du livre est beaucoup plus âgée que notre Alice qui a 12 ans.
Passons sur l'intérieur où les éditeurs anglais font souvent mieux en matière de police, de détails décoratifs. Pour ce titre, c'est dommage, nous sommes dans un ouvrage clairement jeunesse, dans un univers fait de magie alors il aurait été sympa de retrouver des petits détails ornementatifs à chaque début de chapitre comme dans la version anglaise.
Au pays de l'ailleurs raconte l'histoire d'une jeune fille de 12 ans, Alice qui vit dans un village magique appelé Ferenwood. Il s'agit d'un monde éclatant de couleurs, en liens constants avec les pouvoirs magiques de chaque habitant. Alice, elle, est rejetée car elle n'a pas de couleurs. Sa peau est pâle et ses cheveux sont couleur neige. Les personnages possédant des couleurs possèdent des dons magiques. Lors de la Présentation des douze ans, Alice compte démontrer aux habitants de Ferenwood qu'elle a le don de la danse. Elle souhaite obtenir une carte qui assigne une mission particulière en confiant à chaque enfant sa place dans la communauté. Elle voudrait également partir à la recherche de son père, disparu, trois ans plus tôt, le seul qui ai cru en elle. Mais le jour de la Présentation ne se passe pas comme prévu. Sa danse est tournée en ridicule et Alice obtient une carte noire. Aucun don, aucun rôle, aucune quête ne lui est assignée. Avec désespoir et fureur, elle fuit sa maison et se met en quête de partir seule. Mais Oliver, son ennemi d'enfance, lui propose de l'accompagner. Il l'entraîne au pays de l'Ailleurs où plusieurs dangers et choses étonnantes les attendent. Un pays où il n'y a aucune règle et où les créatures effrayantes affluent de nulle part...
Oubliez la réalité et entrez dans l'illusion. Au pays de l'ailleurs est un roman jeunesse à mi-chemin entre le conte (avec des références à Alice au pays des merveilles) et le roman fantasy voire de fantaisie tellement on entre dans un univers original et complexe. Dès les premières pages, le lecteur pourra se sentir soit perdu, soit dépaysé par les descriptions longues et envahissantes de Ferenwood. La première chose qui m'a dérangé c'était de ne pas savoir à qui ou à quoi j'avais affaire. On est dans un univers clairement magique et fantasy mais les habitants de Ferenwood sont quoi ? des fées ? des elfes ? difficile à dire. Partant de ce constat, il faut accepter l'inconnu et se laisser bercer par le côté bucolique et printanier d'un monde champêtre, plein de fleurs, de couleurs, de senteurs...
L'écriture de Tahereh Mafi est superbe et coule toute seule, comme naturelle dans la version anglaise. La traduction en français est tout autre et je dois vous avouer que j'ai eu du mal avec la traduction très "terre à terre", où il aurait fallu plus de légèreté. Ainsi je ne suis pas sûre que la version française soit facile d'accès pour un jeune lecteur, même avisé de 13 ans. Le style et le vocabulaire sont bien trop riches, les syntaxes trop lourdes pour qu'on ne s'y perde pas. J'ai parfois arrêté ma lecture tellement tout s'embrouillait même si peut-être tout ceci participe à l'onirisme des lieux.
Dans la version anglaise, les mots coulent tout seul si bien que la lecture se fait plus intuitive et qu'on accepte de partir dans cette évasion de l'esprit et des sens. Disons que c'est moins difficile de lâcher prise. La lecture est à ressentir plus qu'à comprendre alors que les mots français empêchent parfois de se laisser bercer par les sensations. Dans la version VF l'étrange l'emporte sur l'onirisme alors que dans la version anglaise c'est bien la poésie et le lyrisme des lieux qui côtoient un peu l'étrangeté d'une héroïne marginalisée.
A l'image d'un Alice au pays des merveilles, notre Alice tombe pour passer d'un village à un autre et surtout elle se retrouve dans un pays inconnu, hostile, carrément fou, qui n'a pas de sens. Les rencontres, nombreuses et multiples sont assez farfelues. J'ai apprécié ce côté dont les dialogues sont plutôt bien retranscrits dans la VF.
Si l'ambiance est jolie et l'univers original, la suite de l'intrigue notamment la recherche du père d'Alice est tout de même bien longue et j'aurais aimé que l'auteure fasse moins de détours qui nous perdent en chemin. L'héroïne Alice m'a parfois bien énervée car elle a une personnalité très immature, trop têtue de manière bécassine et gamine, mais cela participe à sa formation, à son apprentissage...car le but sera de trouver quel est son don et d'apprendre les valeurs d'humilité et de modestie. Puis il est difficile de lui en vouloir car les propos de sa mère envers elle sont vraiment durs et humiliants. Alors oui, on peut se prendre d'affection pour ce personnage atypique.
En conclusion, j'ai aimé le livre mais je l'ai préféré en anglais car j'ai trouvé que la traduction manquait de charme et était parfois vraiment trop lourde à digérer. Au contraire lire des passages en VO était une bouffée d'air pure. C'est frais, c'est pimpant, c'est virevoltant! Un aspect qui m'a manqué dans ma lecture en français qui se veut beaucoup plus particulière, spéciale mais pas dans le meilleur sens du terme. Par contre les dialogues sont parfaitement traduits si bien que j'ai pris plaisir à suivre mes deux lectures, préférant le côté descriptif en anglais et les dialogues en français. La plume de Tahereh Mafi est vraiment foisonnante et subtile, faite d'originalité mais qui manque de fluidité dans la traduction, une traduction qui me semble t-il devait être très dure car c'est un univers complexe à décrire.
L'histoire est quant à elle très jolie et nous invite à un voyage étonnant, d'aventures, de quête initiatique, de couleurs, d'idées fantastiques, de magie et de "flottements"... bien que la trame soit classique, il vaut le coup d'être découvert, même si je vous préviens que le centre du livre est beaucoup trop long pour une fin aussi facile que rapide. Avec cet article, j'ai souhaité vous faire une lecture comparative, c'est désormais à vous de choisir votre version, et pourquoi pas les deux qui dans ce cas là, se complètent très bien!